Catégorie : Media & Divertissement

La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine[1], parfois caractérisée de « loi fourre-tout », contient des nouvelles mesures relatives à l’audiovisuel. Transparence des comptes de production et d’exploitation, obligation de recherche d’exploitation suivie et nouvelles règles de cession des contrats de production audiovisuelle, sont autant de changements qui viennent modifier le paysage audiovisuel actuel et que nous avons résumé ci-dessous. Ceux-ci ne constituent en réalité qu’un bref aperçu des nombreuses mesures adoptées.

Les comptes de production et d’exploitation doivent être transparents : dans le même élan qui a entraîné la mise en place, dans le secteur cinématographique, d’un coût uniforme de l’œuvre et l’encadrement de l’amortissement de ce coût opposable aux auteurs, le législateur est intervenu afin de renforcer la transparence dans l’industrie audiovisuelle et cinématographique. Cette obligation renforcée a désormais vocation à s’imposer tant aux producteurs délégués qu’aux distributeurs, en s’appliquant tant en amont sur le compte de production, qu’en aval sur le compte d’exploitation, et ne bénéficie plus seulement aux auteurs. La liste des œuvres concernées a également été allongée (œuvres cinématographiques de longue durée mais aussi certaines œuvres audiovisuelles, dont les œuvres de fiction et d’animation, admises au bénéfice des aides financières à la production du CNC). Des sanctions administratives, telle qu’une sanction pécuniaire assise sur le chiffre d’affaires ou une réduction, voire même le remboursement, des aides financières attribuées, ont par ailleurs été prévues afin de garantir le respect de ces nouvelles obligations.

Un décret doit en principe fixer les conditions de mise en œuvre de ces règles de transparence, repoussant ainsi leur application.

Sur le compte de production : il s’agit là d’une nouveauté – en substance, la loi impose désormais aux producteurs d’établir et de transmettre le compte de production de l’œuvre (recensant toutes les dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la postproduction de l’œuvre). Cette communication doit être effectuée dans un délai spécifique notamment auprès des coproducteurs et tout tiers bénéficiant d’un intéressement contractuel aux recettes d’exploitation de l’œuvre conditionné à l’amortissement du coût de production (dont les scénaristes, réalisateurs et compositeurs).

La loi remet à la négociation collective le soin de définir la forme de ce compte, la définition des catégories de dépenses le composant et la nature des moyens de financement par accord professionnel[2] qui pourra être rendu obligatoire par arrêté à tous les acteurs de l’industrie. Pour inciter à la discussion collective qui est au plus près des intérêts des acteurs en jeu et accélérer la mise en application des nouvelles garanties, une date butoir a été instaurée ; si aucun accord professionnel n’est rendu obligatoire à l’expiration d’une période d’un an à compter de cette loi, ces éléments seront définis par décret en Conseil d’Etat[3].

Les obligations relatives à l’établissement et à la communication du compte de production devront par ailleurs être intégrées dans les contrats conclus avec les personnes concernées, étant précisé que cette obligation ne semble pas être assortie de sanction administrative en cas de manquement.

Sur le compte d’exploitation : la loi impose aux distributeurs et mandataires d’établir et de transmettre au producteur délégué le compte d’exploitation de l’œuvre dans des délais encadrés, afin que ce dernier puisse le communiquer, entre autres, aux auteurs et co-producteurs[4]. Elle poursuit ainsi son objectif d’harmonisation à travers la mise en place d’obligations de forme (présentation du compte par mode d’exploitation et par territoire) et de fond (indication de l’état d’amortissement des minimas garantis, entre autres).

La négociation collective est à nouveau privilégiée puisque la loi renvoie la définition de certains éléments (forme du compte, définitions des encaissements bruts, des coûts d’exploitation, etc.) à un accord professionnel[5], qui pourra également être rendu obligatoire à tous les acteurs de l’audiovisuel par arrêté. Le Conseil d’Etat sera en charge de déterminer ces éléments par décret si aucun accord professionnel obligatoire n’est pris dans l’année suivant cette loi.

Les contrats de cession de droits d’exploitation et mandats de commercialisation devront rappeler l’obligation d’établissement et de communication du compte d’exploitation précitée, bien que cette obligation semble être affranchie de sanction administrative en cas de manquement.

Faisant fî de la négociation contractuelle, cet objectif de transparence présentera au moins l’avantage d’harmoniser les différents éléments d’établissement des redditions des comptes, facilitant et accélérant ainsi les calculs des rémunérations dues.

Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de ses œuvres, conforme aux usages de la profession : jusqu’en juillet 2016, le producteur était tenu d’assurer à l’œuvre audiovisuelle une « exploitation conforme aux usages de la profession ». Les paramètres de cette exploitation n’avaient pas été définis par le législateur, ce qui décourageait les bénéficiaires de cette disposition de s’en prévaloir.

Soucieuse de favoriser la circulation des œuvres, la loi nouvelle renforce cette obligation en précisant que cette exploitation doit être suivie. Elle prévoit par ailleurs que le champ d’application et les conditions de mise en œuvre de celle-ci devront être définies par voie d’accord professionnel qui pourra être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés concernés par arrêté.

C’est ainsi qu’un accord professionnel a d’ores et déjà été conclu le 3 octobre 2016[6]. Cet accord a été étendu par arrêté du 7 octobre 2016[7], et s’impose à toute entreprise de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi qu’à toute entreprise cessionnaire ou mandataire de droits d’exploitation d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Ces textes visent certaines œuvres françaises cinématographiques et audiovisuelles pour lesquelles un contrat de production audiovisuelle est régi par le droit français. Ils s’appliquent à compter du 7 octobre 2016, bien qu’un aménagement ait été prévu pour les œuvres exploitées avant cette date.

L’obligation de recherche d’exploitation suivie est qualifiée comme une obligation de moyens, en vertu de laquelle le producteur doit entreprendre ses meilleurs efforts pour permettre à l’œuvre d’être exploitée en France et/ou à l’étranger, soit en exploitant l’œuvre lui-même, soit par le biais de distributeurs ou d’opérateurs. Cette obligation est répercutée sur les distributeurs, qui devront également faire leurs meilleurs efforts pour permettre au producteur de remplir son obligation de recherche d’exploitation suivie.

Le producteur doit par ailleurs fournir, sur simple demande écrite de l’auteur ou, à défaut, de son représentant mandaté, les informations relatives aux efforts qu’il a engagés et aux motifs éventuels qui l’empêchent de remplir cette obligation de recherche d’exploitation suivie. Le producteur pourra solliciter les distributeurs et opérateurs pour fournir les informations relatives aux exploitations effectuées.

Ces obligations étant particulièrement favorables aux auteurs et contraignantes pour les producteurs, l’accord a instauré des présomptions de respect de cette obligation de recherche d’exploitation suivie. Ainsi, par exemple, l’obligation du producteur est présumée respectée lorsque l’œuvre fait l’objet de contrats d’exploitation en cours d’exécution en vue d’une exploitation dans deux modes parmi cinq modes d’exploitation identifiés par l’arrêté ; cependant, un contrat de cession de droits pour un seul mode visant la France sera suffisant pour les œuvres audiovisuelles et pour les œuvres cinématographiques de plus de huit ans.

Des causes d’exonération ont également été prévues sous certaines conditions, notamment en cas d’impossibilité de renégocier les droits d’exploitation, constituant un obstacle juridique au respect de cette obligation.

Ce régime n’est pas sans rappeler celui de l’éditeur d’une œuvre littéraire, qui doit en assurer une exploitation permanente et suivie, sous peine de voir la cession des droits résiliée. Toutefois, les sanctions applicables dans le secteur audiovisuel en cas de manquement aux obligations précitées n’ont pas été clairement définies, même si le texte encourage le recours à la médiation.

Précisons enfin que l’accord professionnel met en place d’autres obligations et engagements, applicables entre autres aux producteurs, auteurs, distributeurs et diffuseurs, dont une mesure que nous trouvons particulièrement encourageante, et qui oblige les auteurs et producteurs à négocier de bonne foi pour « favoriser le renouvellement et/ou la renégociation des contrats conclus pour une durée limitée, dans des conditions permettant que les droits d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur sur l’œuvre ne soient pas dissociés artificiellement à des fins spéculatives ».

Les cessions de contrats de production audiovisuelle sont désormais encadrées : en cas de cession par le producteur du bénéfice du contrat à un tiers, la loi impose une information préalable des coauteurs, qui devra intervenir au plus tard un mois avant la date effective de la cession. Ce droit d’information préalable doit figurer au contrat.

Bien que certaines conditions encadrant cette nouvelle mesure n’aient pas été clairement précisées (forme de la notification, nature de l’objet de la cession), le respect du formalisme imposé par la loi sera rapidement mis à l’épreuve dans cette industrie où cession de contrats et de catalogues rythment le quotidien. Il nous semble par ailleurs que l’absence de notification pourrait mettre en cause la validité de la cession. Les enjeux sont donc très importants dans le cadre de rapprochements de sociétés, d’audits juridiques et de cessions de catalogue. Ainsi, il conviendra de rester particulièrement attentifs aux développements à venir, qui permettront certainement de définir de manière plus précise les conditions de cette nouvelle obligation.

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La loi relative à la liberté de la création contient de nombreuses autres dispositions relatives, entre autres, aux contrats d’édition, aux contrats conclus entre artiste-interprète et producteur de phonogrammes, au médiateur de la musique, aux contrats de transmission des droits d’auteur et au régime du droit de suite et de la copie privée.

Compte tenu des importantes modifications, une mise à jour des contrats et/ou un suivi personnalisé sont fortement conseillés.

 

[1] Loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine

[2] S’agissant des œuvres audiovisuelles, il semblerait qu’un ou plusieurs accord(s) professionnel(s) pourront établir ces définitions y compris les modalités d’amortissement du coût de production.

[3] Un premier accord professionnel a été conclu le 19 février 2016 entre certains producteurs, diffuseurs et distributeurs sur la transparence des comptes et des remontées de recettes en matière de production audiovisuelle mais n’a pas encore été étendu.

[4] Précisons également que des dispositions particulières encadrent cette obligation lorsque le producteur délégué exploite directement l’œuvre

[5] S’agissant des œuvres audiovisuelles, il semblerait qu’un ou plusieurs accord(s) professionnel(s) pourront établir ces définitions.

[6] Accord conclu entre une majorité des syndicats de producteurs et d’éditeurs, certaines chaînes de télévision et certains syndicats d’auteurs (SACD et SCAM notamment) pour une durée de trois ans tacitement reconductible

[7] Arrêté du 7 octobre 2016 pris en application de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle et portant extension de l’accord du 3 octobre 2016 sur l’obligation de recherche d’exploitation suivie relative aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles

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Lors de notre précédente Newsletter, nous vous avions communiqué les nouvelles mesures fiscales applicables à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles à compter du 1er janvier 2016. Ces mesures concernaient tant le crédit d’impôt national, applicable aux producteurs délégués français, que le crédit d’impôt international, qui bénéficie aux producteurs étrangers.

La loi de finances pour l’année 2016 vise à renforcer le crédit d’impôt national principalement pour les œuvres cinématographiques en complétant les dispositions existantes, sous l’impulsion majeure de Luc Besson qui menaçait de délocaliser la production de son film « Valerian » du fait du dispositif français alors en place.

« Valerian » est une œuvre cinématographique de langue anglaise produite par un producteur français et comptant parmi les films français les plus chers de l’histoire. En tant que producteur français, seul le crédit d’impôt national était accessible à Europacorp, ayant pour effet qu’Europacorp se trouvait dans une position moins favorable que les producteurs étrangers en appliquant le système actuel. D’abord, la langue anglaise disqualifie purement et simplement le film de l’éligibilité au crédit d’impôt national. De plus, en admettant que cette production soit éligible, le crédit d’impôt national pour ce type d’œuvre est limité à 20% alors que le crédit d’impôt international s’élève à 30% à compter du 1er janvier 2016 pour ces mêmes œuvres, avec des plafonds plus importants que ceux prévus pour le crédit d’impôt national. Au vu de la structure actuelle, les différentes aides et crédits d’impôt proposés par les autres pays européens devenaient ainsi plus attractifs que ceux disponibles en France.

En raison de l’internationalisation des productions françaises du fait de l’utilisation de la langue anglaise comme langue de tournage, mais également du niveau des budgets en question pour ces œuvres, certaines modifications au dispositif fiscal national étaient nécessaires afin de maintenir la compétitivité du marché français et éviter la délocalisation. « Valérian », dont le budget avoisine les 170 Millions d’Euros, illustre parfaitement l’importance de prévenir la délocalisation de ce type de production pour l’industrie du film français et l’économie française.

La loi de finances pour l’année 2016 prévoit donc des modifications de deux ordres, portant sur l’élargissement des conditions d’éligibilité, et l’augmentation du montant du crédit d’impôt accessible aux sociétés de production. Les changements suivants sont mis en place pour les œuvres de fiction et d’animation en particulier :

– Concernant l’éligibilité :

  • Le critère de langue n’est plus un critère d’éligibilité des œuvres cinématographiques d’animation.
  • Les œuvres cinématographiques de fiction tournées en langue étrangère sont éligibles lorsque : (i) au moins 15% des plans font l’objet de traitement numérique permettant d’ajouter ou de modifier certains éléments définis par la loi (la loi assimilant ces œuvres aux œuvres cinématographiques d’animation), ou (ii) l’emploi d’une langue étrangère est justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario.

– Concernant le montant du crédit d’impôt :

  • Les pourcentages du crédit d’impôt accessible aux entreprises de production sont modifiés comme suit :
Animation Fiction
Œuvres audiovisuelles 25% 25%
Œuvres cinématographiques 30% 20%, ou 30% lorsque :

(i) le film est produit en français ou dans une langue régionale en usage en France ; ou

(ii) au moins 15% des plans font l’objet de traitement numérique permettant d’ajouter ou de modifier certains éléments définis par la loi.

 

  • Le plafond total des crédits d’impôt a été augmenté à 30 Millions d’Euros pour les œuvres cinématographiques.
  • Malgré le fait que le plafond total demeure à 4 Million d’Euros, le plafond de crédit d’impôt par minute applicable aux œuvres audiovisuelles de fiction a également été augmenté. Ce plafond, initialement de 1 250€ par minute livrée, oscille désormais entre 1 250€ et 10 000€ par minute livrée, selon le coût de production par minute produite. Ces nouveaux plafonds s’appliquent également aux œuvres audiovisuelles de fiction produites dans le cadre d’une co-production internationale et répondant à certaines conditions de budget et de financement spécifiques.

Ces nouvelles mesures doivent encore être décrétées conformes au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat par la Commission européenne ; si tel est le cas, elles s’appliqueront au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

 

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Face aux changements apportés par notre environnement numérique et l’avènement constant de nouvelles technologies, la Commission européenne a lancé depuis 2011 plusieurs études, travaux de réflexions, consultations et actions dans le but de moderniser et d’harmoniser le droit d’auteur dans l’Union européenne. Le but de cette démarche s’inscrit dans le prolongement de la stratégie de la Commission de mettre en place « un marché unique des droits de propriété intellectuelle ». La Commission alors en fonction n’avait cependant pas abouti à des mesures concrètes, la réforme envisagée ayant été considérée insuffisante pour certains.

La Commission actuelle, dont le mandat a débuté en novembre 2014, a fait de la croissance et l’emploi sa priorité et est venue dès lors accélérer le processus de réforme (le marché unique du numérique étant considéré par le président de la Commission comme un moyen direct de croissance). Pour ce faire, il a été clairement signifié qu’il convenait de « briser les barrières nationales en matière de règlementation du droit d’auteur » afin de « libérer la créativité », et ce, avec un minimum de réglementation.

La rédaction d’un rapport a été confiée fin 2014 à l’eurodéputée Julia Reda, membre du Parti Pirate, et présenté début 2015 au Parlement européen. Ce projet de rapport envisageait notamment, et dans les grandes lignes :

  • la suppression de restrictions territoriales au droit d’auteur et la promotion de l’accès transfrontalier aux contenus ;
  • l’harmonisation des conditions de protection, notamment par l’introduction d’un titre européen unique applicable dans tous les Etats membres (qui aurait par ailleurs également vocation à contribuer à la suppression des « obstacles découlant du caractère territorial du droit d’auteur» tel que mentionné ci-dessus), et de la durée des droits d’auteur ;
  • l’harmonisation et le renforcement des exceptions et limitations au droit d’auteur[1].

Ce texte a fait l’objet de vifs débats et d’une grande mobilisation de la part des professionnels de la propriété intellectuelle et de certains Etats, la France en tête. Les contestations reposaient essentiellement sur une confrontation entre libéralisation de la création et droit des consommateurs d’une part, et protection et sécurité des auteurs et des ayants droits d’autre part. Elles portaient également sur le rapport de force entre industrie et auteurs/artistes et sur les intérêts particuliers des Etats membres. De manière plus générale, se posait enfin la question de la garantie du niveau de protection du droit d’auteur dans chaque Etat membre en cas d’harmonisation.

Au final, plus de 500 amendements ont été soumis au projet de rapport initial, contraignant le Parlement européen a adopter une résolution non législative[2], le 9 juillet dernier, modifiant sensiblement certaines propositions jugées trop « radicales ».

C’est ainsi que, à titre d’exemple :

  • Sur les exceptions et limitations au droit d’auteur :

(i) Alors que le projet de rapport envisageait une harmonisation totale et une application obligatoire des exceptions et limitations au droit d’auteur, les députés ont considéré que ces exceptions devraient toujours pouvoir être établies par chaque Etat membre en fonction de ses intérêts culturels et économiques, tout en suggérant l’instauration de normes minimales ;

(ii) Certaines exceptions proposées dans le projet de rapport, et qui auraient ainsi considérablement élargi les possibilités d’exploitation des œuvres par les consommateurs, ont également été supprimées (notamment la reconnaissance d’un droit de citation en matière audiovisuelle) ou modérées (la proposition d’une exception obligatoire « permettant aux bibliothèques de prêter des livres au public sous format numérique quel que soit le lieu d’accès » a par exemple été encadrée quant à l’usage prévu, la durée, l’objectif voulu, et l’instauration potentielle d’une indemnisation équitable des auteurs).

  • Sur la territorialité et l’accessibilité des contenus et services :

Alors que la territorialité était remise en cause de manière générale dans le projet de rapport initial, le Parlement a finalement demandé à ce que ce principe de territorialité soit réaffirmé afin de permettre « à chaque Etat membre de garantir le principe d’une rémunération équitable ». Certains députés ont effectivement fait valoir que la territorialité permet de valoriser les revenus générés dans chaque territoire, contribuant ainsi au financement des œuvres, et par voie de conséquence, assure une rémunération équitable aux auteurs et ayants droits.

Les députés ont toutefois souligné l’importance de favoriser une meilleure accessibilité et portabilité des services et contenus afin que les consommateurs ne voient pas leur accès à des contenus bloqués pour des causes géographiques et ont laissé le soin à la Commission de proposer des mesures en ce sens. Il semble donc que le débat n’est pas complètement tranché.

En revanche, les députés ont confirmé leur intérêt de mener des réflexions autour de la durée de protection ou l’incidence de la création d’un titre européen unique pour les Etats membres. Ils ont également confirmé leur souhait d’adapter et de créer certaines exceptions à l’ère numérique[3].

Face à la montée en puissance des services type Netflix, les enjeux suscités par cette réforme sont essentiels tant en matière de compétitivité et de développement des services européens que du renforcement des droits des consommateurs. Ils se trouvent cependant confrontées aux contestations et revendications de certains acteurs de la propriété intellectuelle. L’harmonisation du droit d’auteur au niveau européen semble donc particulièrement compliquée et devra nécessairement composer avec les forces en présence. La Commission doit présenter une proposition de révision législative à la fin de l’année 2015. Il conviendra alors d’étudier l’équilibre proposé.

[1] Le projet de rapport contient de nombreuses propositions que nous n’avons pas reprises ou développées dans le cadre de cet article. Vous pouvez vous y référez en suivant ce lien : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-546.580+02+DOC+PDF+V0//FR&language=FR

[2] Résolution du Parlement européen du 9 juillet 2015 sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

[3] La résolution non-législative contient de nombreuses propositions qui ne sont pas reprises ou développées dans le cadre de cet article. Vous pouvez vous y référer en suivant le lien suivant : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P8-TA-2015-0273

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Dans un souci de rendre plus attractif le territoire français pour la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, la Loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 apporte des modifications aux crédits d’impôts cinématographiques et audiovisuels. Applicable à compter du 1er janvier 2016, la loi incite à la fois producteurs délégués (dans le cadre du crédit d’impôt national) et producteurs exécutifs français (dans le cadre du crédit d’impôt international « C2I ») à localiser leurs dépenses en France.

 

Concernant le crédit d’impôt national :

 

Les modifications apportées portent essentiellement sur les programmes d’animation, afin de lutter contre la délocalisation de la production de tels programmes à l’étranger, notamment au Canada et aux Etats-Unis. Ainsi, le pourcentage des dépenses éligibles permettant de calculer le crédit d’impôt se voit augmenté à 25% pour les œuvres d’animation tant cinématographiques qu’audiovisuelles. De plus, le plafond apporté aux crédits d’impôts perçus sur une même œuvre audiovisuelle est augmenté, passant de 1.300€ à 3.000€ par minute produite et livrée.

 

Ces modifications s’adressent également aux œuvres cinématographiques de « petit » budget en permettant à celles dont le budget est compris entre 4 et 7 millions d’euros de bénéficier d’un pourcentage accru de 30% (il n’était accessible qu’aux œuvres dont le budget était inférieur à 4 millions d’euros jusqu’alors). D’après Frédérique Bredin, Présidente du CNC, cette mesure permettra des solutions de financement supplémentaires pour ces films dits « du milieu », qui constituent la part la plus fragilisée par la diminution des investissements.

 

Concernant le crédit d’impôt international :

 

Les modifications apportées portent sur le pourcentage de dépenses éligibles faisant l’objet du calcul du crédit d’impôt (qui est augmenté de 20% à 30%) ainsi que sur le plafond des crédits d’impôts calculés sur une même œuvre (qui est, lui, augmenté de 20 000 000€ à 30 000 000€). Ces mesures ont pour vocation d’améliorer la visibilité de la France comme destination culturelle, touristique et économique aux yeux du monde (c’est ainsi que la série Merlin, qui a bénéficié du crédit d’impôt international, a engendré un accroissement significatif des visites du château de Pierrefond).

 

Ces mesures sont bienheureuses dans une période où le financement de la production cinématographique et audiovisuelle est en déclin (réduction d’environ 20% des investissements dans la production cinématographique française, et d’environ 13% dans les co-productions cinématographiques internationales pour l’année 2014). Les députés à l’origine des modifications exposées ci-dessus affirment que les mesures prises s’accompagneront de retombées économiques importantes. Espérons que l’avenir leur donnera raison.

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Des agences de presse, éditeurs et syndicats de photographes ont signé le 15 juillet 2014 un code de bonnes pratiques professionnelles visant notamment à encadrer les rémunérations des photographes lorsque leurs photographies sont publiées dans la presse, et à réglementer l’exploitation des photos. En cas de non-respect de ces règles, des indemnités sont prévues pour les photographes, accompagnées d’une minoration ou d’une suspension des aides à la presse.

 

Ce code de bonnes pratiques a pour vocation de tenter de rééquilibrer les rapports économiques entre les éditeurs et les photographes (et/ou leurs agences) dont la situation s’est beaucoup détériorée.

 

Pour l’essentiel, le code encadre:

 

  • Les crédits photographiques. Il est par exemple prévu de pouvoir demander à l’éditeur, au-delà des droits à verser, une indemnité en cas d’absence totale de crédits équivalant au montant des droits à verser pour la reproduction de la photographie litigieuse, et à 50% de ce montant lorsque la mention est incomplète ou erronée.Par ailleurs, le recours à la mention « droits réservés » doit être limité aux seuls cas où le photographe ou l’agence ne souhaite pas que leur nom soit rendu public, ou bien lorsque l’auteur de la photographie ne peut être identifié malgré un réel effort de recherches de la part de l’éditeur. Si la photographie provient d’un tiers mais ne comporte pas le nom de son auteur, l’éditeur devra alors au moins mentionner sa source. Si la mention « droits réservés » persiste après identification du photographe, il pourra être demandé une indemnité à l’éditeur.
  • La rémunération des photographes et des agences.
  • La cession des droits.
  • Les règles de partage de responsabilité entre éditeurs d’un côté, et agences et photographes de l’autre, en cas de litige né de la publication de photographies.A ce titre, le Code prévoit que la responsabilité des personnes participant à la création, diffusion, ou publication des la photographie, ne peut être recherchée que dans les cas limitativement prévus par la loi. Ainsi par exemple, les éditeurs peuvent voir leur responsabilité engagée lorsqu’ils rédigent eux-mêmes la légende d’une photographie ou ne respectent pas le sens de celle qui leur est communiquée, lorsqu’ils utilisent la photographie dans un article sans rapport avec ce qu’elle représente, ou encore lorsque l’utilisation de la photographie laisserait à penser que la personne photographiée est celle dont l’article auquel elle est attachée traite. De l’autre côté, les agences et photographes peuvent voir leur responsabilité retenue dans le cas où ils ne détiennent pas certaines autorisations (du photographe pour les agences, des biens et personnes représentées pour les photographes), n’indiquent pas de légende ou en fournissent une inexacte.
  • La mise en place d’un standard commun pour la définition et la transmission des métadonnées, ou encore pour l’apposition de dispositifs techniques de protection sur les photographies afin d’en empêcher ou en limiter le téléchargement et leur ré-exploitation sans autorisation. Ce standard commun fera l’objet d’un accord particulier entre les parties, à prendre dans les douze mois de l’adoption du code.

 

Toutefois, malgré son apparente bonne volonté, le texte est très critiqué et de nombreux syndicats de journalistes comme le SNJ (syndicat national des journalistes) le SNJ-CGT, la CDFT Journalistes, le SNJ-FO, et certaines organisations de photographes comme l’UPP (Union des photographes professionnels) ont décidé de ne pas signer le code.

 

Selon eux, le code « n’apporte aucun remède à la situation sociale catastrophique d’une profession à l’agonie et qui, au contraire, par des effets pervers, va pérenniser des pratiques amputant l’information des apports de la photographie éditoriale« .

 

Il convient donc de suivre attentivement ce que donneront les futures négociations.

 

Ce code de bonnes pratiques est disponible ici.

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Le 21 octobre dernier, la CJUE est venue compléter sa jurisprudence concernant le partage en ligne de contenus déjà divulgués sur Internet en étendant au framing la décision déjà constante en matière de liens hypertextes.

Pour mémoire, dans un arrêt Svensson du 13 février 2014 (C-466/12), la CJUE avait déjà décidé que la pratique consistant à diffuser une œuvre par un hyperlien sans l’autorisation de son auteur ne constitue pas une atteinte au droit d’auteur lorsque le contenu initial a été publié sans restriction. La Cour estime que la nouvelle mise à disposition faite par hyperlien ne constitue pas une communication selon un moyen technique différent, ni une communication à un public nouveau (puisque dans les deux cas l’ensemble des internautes peut avoir accès à l’œuvre) et que, dès lors, il n’y a pas contrefaçon.

Cette décision s’applique désormais au framing, une technique consistant à insérer sur une page Internet, un élément provenant d’un autre site. Cette technique est largement utilisée et permet aux internautes d’avoir accès à du contenu provenant d’un autre site Internet sans quitter le site objet de leur visite.

Dans la décision étudiée, la société BestWater a constaté que des vidéos, diffusées originellement par elle sur la plateforme vidéo YouTube, ont été copiées par la technique du framing sur des sites Internet concurrents et a par conséquent demandé aux juridictions allemandes de faire cesser la diffusion des vidéos sur lesdits sites.

Après des décisions opposées en première instance et en appel, le Bundesgerichtshof (équivalent allemand de notre Cour de cassation) a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE afin de déterminer si, au sens de l’article 3 de la directive 2001/29, la diffusion d’une œuvre par framing, sans autorisation des ayants droits de ladite œuvre, constituait ou non une « communication au public » et donc une atteinte au droit d’auteur.

Sans équivoque, les Juges luxembourgeois ont répondu par la négative en précisant que pour qu’il y ait « communication au public » au sens de la directive, il faut que l’œuvre soit :

  • communiquée selon un « mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés », ou
  • communiquée à un « public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public ».

Or, en l’espèce, la technique utilisée pour communiquer l’œuvre repose sur le même mode technique (le framing ne constituant pas un mode technique différent), et le public ne peut être nouveau puisque l’œuvre était « déjà librement disponible pour l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ».

La Cour ajoute qu’en autorisant une première communication sans restriction (sur la plateforme vidéo YouTube), les titulaires du droit d’auteur on « pris en compte l’ensemble des internautes comme public ». Etant donné l’existence de vastes moyens de privatisation des contenus sur Internet auxquels les titulaires du droit d’auteur n’ont pas souhaité recourir, le public s’appréhende ici nécessairement comme la masse globale des internautes et non seulement les seuls visiteurs du site.

Il en résulte que la diffusion de contenus par framing ne constitue pas une « communication au public » et donc une atteinte aux droits d’auteur si ce contenu a été originellement divulgué sur Internet sans restriction.

Il est intéressant de noter que si l’utilisation de la technique du framing ne constitue pas un acte de représentation, la CJUE reconnaît qu’elle permet également d’échapper aux dispositions relatives au droit de reproduction.

Cette décision s’inscrit dans le cadre de la jurisprudence américaine qui avait déjà considéré en 2012 que l’utilisation du framing ne portait pas atteinte au droit d’auteur. Selon le juge du 7e  circuit (Flava Works Inc. v. Gunter decision, 10 C 6517), le site diffusant les vidéos par framing (ici myVidster) agit simplement comme un connecteur entre le serveur sur lequel la vidéo se trouve, et l’ordinateur du visiteur souhaitant regarder les vidéos. Il n’y a donc pas violation du droit d’auteur dans le sens où il n’y a ni copie, ni distribution de copies d’œuvres protégées.

 

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Les 28 Etats Membres de l’Union Européenne ont adopté le 26 février 2014 une directive concernant la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins.

Cette directive harmonise au niveau européen les règles régissant le fonctionnement des sociétés de gestion collective et notamment l’affiliation des titulaires de droits à ces sociétés (les titulaires de droits peuvent limiter les types d’oeuvres, les droits et les territoires donnés en gestion collective et peuvent opter pour la société de gestion collective de leur choix, quel que soit leur nationalité ou leur lieu de résidence), la gouvernance et la transparence des sociétés de gestion collective à l’égard de leurs affiliés (obligation de communication d’informations) et le versement par les sociétés de gestion collective de redevances à leurs affiliés (versements réguliers dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 9 mois suivant la fin de chaque exercice).

Ce nouveau texte a également pour objectif de faciliter l’octroi de licences multi-territoires pour l’utilisation d’oeuvres musicales en ligne dans l’Union Européenne. Chaque plateforme de musique en ligne (telle que Deezer ou Spotify) pourra ainsi obtenir une licence d’utilisation paneuropéenne sur une oeuvre auprès d’une seule société de gestion collective au lieu de devoir négocier avec une société de gestion collective dans chaque Etat Membre.

Les Etats Membres doivent transposer cette directive dans leurs législations nationales avant le 10 avril 2016. Entre-temps, les sociétés de gestion collective de chaque pays devraient se faire concurrence concernant l’affiliation des titulaires de droits et l’octroi de licences paneuropéennes.

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Un photographe salarié du studio Harcourt ne peut revendiquer à l’égard du studio de droit d’auteur sur les photographies qu’il a réalisées dans le cadre de son emploi au sein du studio.

Dans un arrêt du 15 janvier 2014, la Cour d’appel de Paris a en effet considéré que les photographies prises par ce photographe à l’initiative du studio Harcourt et en collaboration avec ses collègues doivent être considérées comme des oeuvres collectives, ce qui signifie que ces photographies ont été créées grâce à l’intervention de plusieurs contributeurs à l’initiative et sous la direction du studio Harcourt. Ainsi, le studio Harcourt dispose de tous les droits d’auteur sur ces photographies.

Cette décision est d’autant plus curieuse que le photographe avait signé avec le studio un contrat de cession de droits d’auteur, ce qui par hypothèse pouvait exclure la qualification d’¦uvre collective.

Dans la mesure où la Cour d’appel a qualifié ces photographies d’oeuvres collectives, le photographe n’a droit à aucune rémunération proportionnelle sur l’exploitation des photographies réalisées et ne peut exiger d’être cité comme l’auteur de ces photographies (à moins que le studio et lui-même en aient convenu expressément).

Dans son arrêt, la Cour d’appel note que la contribution du photographe se fond avec celle des autres collaborateurs du studio, comme ceux en charge de l’éclairage, du maquillage, ou de la retouche, qui travaillaient tous à reproduire le « style Harcourt », « particulièrement codé » et caractéristique des photos tirées et divulguées par le studio Harcourt.

Cette décision s’inscrit dans une tendance récente de la jurisprudence française à qualifier d’oeuvres collectives les oeuvres réalisées par des auteurs salariés dans le cadre de leur travail en compagnie d’autres collaborateurs et à l’initiative de leur employeur.

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La série « Intime conviction » diffusée sur la chaîne Arte et sur son site Internet arte.tv est interdite de diffusion en France. Saisie par le Docteur Jean-Louis Muller pour atteinte à la vie privée, la Présidente du Tribunal de grande instance de Paris a ordonné le 27 février 2014 à Arte et au producteur de la série, Maha Productions, de cesser toute diffusion de la série. Cette ordonnance a été confirmée le lendemain par la Cour d’appel de Paris.

Le scénario de la série s’inspirait de l’affaire du Docteur Muller, médecin légiste qui avait été mis en examen en 2001 pour le meurtre de sa femme puis, après plusieurs procédures, avait été définitivement acquitté le 31 octobre 2013 par la Cour d’assises de Meurthe et Moselle.

La première partie de la série, diffusée sur Arte le 14 février 2014, prenait la forme d’un téléfilm et relatait une enquête de police menée suite au décès par arme à feu d’une femme jusqu’à l’arrestation de son époux médecin légiste. La seconde partie devait être mise en ligne entre le 14 février et le 2 mars 2014 sous la forme de 35 programmes courts relatant le déroulement du procès de l’accusé devant une cour d’assises. Ce procès était interactif puisque les internautes étaient invités à se prononcer pendant son déroulement sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé et ce procès devait s’achever sur la diffusion du verdict des internautes le 2 mars 2014.

La Cour d’appel de Paris n’a pas laissé à Arte la possibilité de diffuser la série jusqu’à son terme. Pour justifier cette interdiction de diffusion, la Cour considère que si une partie des faits tenant à la vie privée du Docteur Muller ont déjà été divulgués par la presse lors de son procès, ils ne peuvent pas être licitement repris dans la série dans la mesure où il s’agit d’une œuvre de fiction (et non d¹un documentaire ou d¹un article d¹information) et où ces faits réels sont mélangés avec d’autres faits fictifs empiétant sur la vie privée du Docteur Muller sans que la série ne distingue clairement les faits réels des faits fictifs.

Il appartient donc au producteur souhaitant produire une œuvre de fiction s’inspirant d¹une affaire judiciaire de s¹assurer que ladite affaire, ainsi que les identités des personnes impliquées, ne seront pas aisément reconnaissables par le spectateur ou, si c’est le cas, de s’abstenir d’inclure dans cette œuvre de fiction :

  • des faits réels portant atteinte à la vie privée des protagonistes qui n’auraient pas été divulgués lors du procès en question ; et/ou
  • des faits fictifs qui porteraient atteinte à la vie privée des protagonistes de l’affaire.

 

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Un tribunal peut ordonner à un fournisseur d’accès à Internet (« FAI ») de bloquer l’accès à un site Internet de téléchargement illégal mettant en ligne des oeuvres protégées sans l’accord des ayants droit, comme le confirme la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») dans un arrêt récent (CJUE, 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien c/ Constantin Film Verleih et Wega).

La CJUE estime en effet que l’injonction faite par un tribunal de bloquer l’accès à un site Internet est valable même si celle-ci ne précise pas les mesures concrètes que le FAI doit prendre afin de bloquer cet accès. Les juges européens permettent ainsi au Tribunal de laisser une certaine marge de man¦uvre aux FAI afin de choisir les mesures les plus adaptées pour procéder audit blocage. Ils imposent néanmoins des obligations aux FAI concernant les modalités de blocage : les mesures prises par les FAI en application de cette injonction doivent être ciblées en empêchant l’accès au site illicite sans priver les internautes de la possibilité d’accéder aux autres sites Internet non visés par cette injonction.

Si la CJUE reconnaît qu’une telle injonction puisse représenter pour le FAI « un coût important, susceptible d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes », elle considère cependant que ces contraintes ne constituent pas « des sacrifices insurmontables ».

Cet arrêt doit être mis en perspective avec le jugement rendu le 28 novembre dernier par le Tribunal de grande instance de Paris qui, à la demande d’ayants droit, avait ordonné aux principaux FAI français de bloquer l’accès à des sites Internet de streaming illégaux (appartenant pour la plupart au réseau Allostreaming). Dans leur jugement, les magistrats français avaient en effet ordonné cette mesure de blocage sans préciser concrètement les modalités d’un tel blocage et avaient rejeté la demande des ayants droit visant à mettre le coût financier de telles mesures à la charge des FAI. Ce jugement a fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel de Paris qui est en cours d’examen.

L’arrêt de la CJUE vient donc appuyer la mesure de blocage ordonnée par le Tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire Allostreaming mais pourrait être vivement discuté par les parties dans la procédure d’appel en cours au sujet de la prise en charge par les FAI du coût des mesures de blocage.

En pratique, ces mesures de blocage ne devraient pas empêcher complètement les éditeurs de sites Internet de téléchargement ou streaming illégal de proposer leurs services aux internautes puisque les décisions de justice ordonnant des mesures de blocage portent uniquement sur des sites déterminés. Les éditeurs de ces sites pourront toujours fermer les sites bloqués et ouvrir des sites miroirs accessibles via d’autres noms de domaine.

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