Année : 2015

Des agences de presse, éditeurs et syndicats de photographes ont signé le 15 juillet 2014 un code de bonnes pratiques professionnelles visant notamment à encadrer les rémunérations des photographes lorsque leurs photographies sont publiées dans la presse, et à réglementer l’exploitation des photos. En cas de non-respect de ces règles, des indemnités sont prévues pour les photographes, accompagnées d’une minoration ou d’une suspension des aides à la presse.

 

Ce code de bonnes pratiques a pour vocation de tenter de rééquilibrer les rapports économiques entre les éditeurs et les photographes (et/ou leurs agences) dont la situation s’est beaucoup détériorée.

 

Pour l’essentiel, le code encadre:

 

  • Les crédits photographiques. Il est par exemple prévu de pouvoir demander à l’éditeur, au-delà des droits à verser, une indemnité en cas d’absence totale de crédits équivalant au montant des droits à verser pour la reproduction de la photographie litigieuse, et à 50% de ce montant lorsque la mention est incomplète ou erronée.Par ailleurs, le recours à la mention « droits réservés » doit être limité aux seuls cas où le photographe ou l’agence ne souhaite pas que leur nom soit rendu public, ou bien lorsque l’auteur de la photographie ne peut être identifié malgré un réel effort de recherches de la part de l’éditeur. Si la photographie provient d’un tiers mais ne comporte pas le nom de son auteur, l’éditeur devra alors au moins mentionner sa source. Si la mention « droits réservés » persiste après identification du photographe, il pourra être demandé une indemnité à l’éditeur.
  • La rémunération des photographes et des agences.
  • La cession des droits.
  • Les règles de partage de responsabilité entre éditeurs d’un côté, et agences et photographes de l’autre, en cas de litige né de la publication de photographies.A ce titre, le Code prévoit que la responsabilité des personnes participant à la création, diffusion, ou publication des la photographie, ne peut être recherchée que dans les cas limitativement prévus par la loi. Ainsi par exemple, les éditeurs peuvent voir leur responsabilité engagée lorsqu’ils rédigent eux-mêmes la légende d’une photographie ou ne respectent pas le sens de celle qui leur est communiquée, lorsqu’ils utilisent la photographie dans un article sans rapport avec ce qu’elle représente, ou encore lorsque l’utilisation de la photographie laisserait à penser que la personne photographiée est celle dont l’article auquel elle est attachée traite. De l’autre côté, les agences et photographes peuvent voir leur responsabilité retenue dans le cas où ils ne détiennent pas certaines autorisations (du photographe pour les agences, des biens et personnes représentées pour les photographes), n’indiquent pas de légende ou en fournissent une inexacte.
  • La mise en place d’un standard commun pour la définition et la transmission des métadonnées, ou encore pour l’apposition de dispositifs techniques de protection sur les photographies afin d’en empêcher ou en limiter le téléchargement et leur ré-exploitation sans autorisation. Ce standard commun fera l’objet d’un accord particulier entre les parties, à prendre dans les douze mois de l’adoption du code.

 

Toutefois, malgré son apparente bonne volonté, le texte est très critiqué et de nombreux syndicats de journalistes comme le SNJ (syndicat national des journalistes) le SNJ-CGT, la CDFT Journalistes, le SNJ-FO, et certaines organisations de photographes comme l’UPP (Union des photographes professionnels) ont décidé de ne pas signer le code.

 

Selon eux, le code « n’apporte aucun remède à la situation sociale catastrophique d’une profession à l’agonie et qui, au contraire, par des effets pervers, va pérenniser des pratiques amputant l’information des apports de la photographie éditoriale« .

 

Il convient donc de suivre attentivement ce que donneront les futures négociations.

 

Ce code de bonnes pratiques est disponible ici.

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Le 21 octobre dernier, la CJUE est venue compléter sa jurisprudence concernant le partage en ligne de contenus déjà divulgués sur Internet en étendant au framing la décision déjà constante en matière de liens hypertextes.

Pour mémoire, dans un arrêt Svensson du 13 février 2014 (C-466/12), la CJUE avait déjà décidé que la pratique consistant à diffuser une œuvre par un hyperlien sans l’autorisation de son auteur ne constitue pas une atteinte au droit d’auteur lorsque le contenu initial a été publié sans restriction. La Cour estime que la nouvelle mise à disposition faite par hyperlien ne constitue pas une communication selon un moyen technique différent, ni une communication à un public nouveau (puisque dans les deux cas l’ensemble des internautes peut avoir accès à l’œuvre) et que, dès lors, il n’y a pas contrefaçon.

Cette décision s’applique désormais au framing, une technique consistant à insérer sur une page Internet, un élément provenant d’un autre site. Cette technique est largement utilisée et permet aux internautes d’avoir accès à du contenu provenant d’un autre site Internet sans quitter le site objet de leur visite.

Dans la décision étudiée, la société BestWater a constaté que des vidéos, diffusées originellement par elle sur la plateforme vidéo YouTube, ont été copiées par la technique du framing sur des sites Internet concurrents et a par conséquent demandé aux juridictions allemandes de faire cesser la diffusion des vidéos sur lesdits sites.

Après des décisions opposées en première instance et en appel, le Bundesgerichtshof (équivalent allemand de notre Cour de cassation) a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE afin de déterminer si, au sens de l’article 3 de la directive 2001/29, la diffusion d’une œuvre par framing, sans autorisation des ayants droits de ladite œuvre, constituait ou non une « communication au public » et donc une atteinte au droit d’auteur.

Sans équivoque, les Juges luxembourgeois ont répondu par la négative en précisant que pour qu’il y ait « communication au public » au sens de la directive, il faut que l’œuvre soit :

  • communiquée selon un « mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés », ou
  • communiquée à un « public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre au public ».

Or, en l’espèce, la technique utilisée pour communiquer l’œuvre repose sur le même mode technique (le framing ne constituant pas un mode technique différent), et le public ne peut être nouveau puisque l’œuvre était « déjà librement disponible pour l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ».

La Cour ajoute qu’en autorisant une première communication sans restriction (sur la plateforme vidéo YouTube), les titulaires du droit d’auteur on « pris en compte l’ensemble des internautes comme public ». Etant donné l’existence de vastes moyens de privatisation des contenus sur Internet auxquels les titulaires du droit d’auteur n’ont pas souhaité recourir, le public s’appréhende ici nécessairement comme la masse globale des internautes et non seulement les seuls visiteurs du site.

Il en résulte que la diffusion de contenus par framing ne constitue pas une « communication au public » et donc une atteinte aux droits d’auteur si ce contenu a été originellement divulgué sur Internet sans restriction.

Il est intéressant de noter que si l’utilisation de la technique du framing ne constitue pas un acte de représentation, la CJUE reconnaît qu’elle permet également d’échapper aux dispositions relatives au droit de reproduction.

Cette décision s’inscrit dans le cadre de la jurisprudence américaine qui avait déjà considéré en 2012 que l’utilisation du framing ne portait pas atteinte au droit d’auteur. Selon le juge du 7e  circuit (Flava Works Inc. v. Gunter decision, 10 C 6517), le site diffusant les vidéos par framing (ici myVidster) agit simplement comme un connecteur entre le serveur sur lequel la vidéo se trouve, et l’ordinateur du visiteur souhaitant regarder les vidéos. Il n’y a donc pas violation du droit d’auteur dans le sens où il n’y a ni copie, ni distribution de copies d’œuvres protégées.

 

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