Auteur/autrice : crossenetborowsky

La série « Intime conviction » diffusée sur la chaîne Arte et sur son site Internet arte.tv est interdite de diffusion en France. Saisie par le Docteur Jean-Louis Muller pour atteinte à la vie privée, la Présidente du Tribunal de grande instance de Paris a ordonné le 27 février 2014 à Arte et au producteur de la série, Maha Productions, de cesser toute diffusion de la série. Cette ordonnance a été confirmée le lendemain par la Cour d’appel de Paris.

Le scénario de la série s’inspirait de l’affaire du Docteur Muller, médecin légiste qui avait été mis en examen en 2001 pour le meurtre de sa femme puis, après plusieurs procédures, avait été définitivement acquitté le 31 octobre 2013 par la Cour d’assises de Meurthe et Moselle.

La première partie de la série, diffusée sur Arte le 14 février 2014, prenait la forme d’un téléfilm et relatait une enquête de police menée suite au décès par arme à feu d’une femme jusqu’à l’arrestation de son époux médecin légiste. La seconde partie devait être mise en ligne entre le 14 février et le 2 mars 2014 sous la forme de 35 programmes courts relatant le déroulement du procès de l’accusé devant une cour d’assises. Ce procès était interactif puisque les internautes étaient invités à se prononcer pendant son déroulement sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé et ce procès devait s’achever sur la diffusion du verdict des internautes le 2 mars 2014.

La Cour d’appel de Paris n’a pas laissé à Arte la possibilité de diffuser la série jusqu’à son terme. Pour justifier cette interdiction de diffusion, la Cour considère que si une partie des faits tenant à la vie privée du Docteur Muller ont déjà été divulgués par la presse lors de son procès, ils ne peuvent pas être licitement repris dans la série dans la mesure où il s’agit d’une œuvre de fiction (et non d¹un documentaire ou d¹un article d¹information) et où ces faits réels sont mélangés avec d’autres faits fictifs empiétant sur la vie privée du Docteur Muller sans que la série ne distingue clairement les faits réels des faits fictifs.

Il appartient donc au producteur souhaitant produire une œuvre de fiction s’inspirant d¹une affaire judiciaire de s¹assurer que ladite affaire, ainsi que les identités des personnes impliquées, ne seront pas aisément reconnaissables par le spectateur ou, si c’est le cas, de s’abstenir d’inclure dans cette œuvre de fiction :

  • des faits réels portant atteinte à la vie privée des protagonistes qui n’auraient pas été divulgués lors du procès en question ; et/ou
  • des faits fictifs qui porteraient atteinte à la vie privée des protagonistes de l’affaire.

 

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Un tribunal peut ordonner à un fournisseur d’accès à Internet (« FAI ») de bloquer l’accès à un site Internet de téléchargement illégal mettant en ligne des oeuvres protégées sans l’accord des ayants droit, comme le confirme la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») dans un arrêt récent (CJUE, 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien c/ Constantin Film Verleih et Wega).

La CJUE estime en effet que l’injonction faite par un tribunal de bloquer l’accès à un site Internet est valable même si celle-ci ne précise pas les mesures concrètes que le FAI doit prendre afin de bloquer cet accès. Les juges européens permettent ainsi au Tribunal de laisser une certaine marge de man¦uvre aux FAI afin de choisir les mesures les plus adaptées pour procéder audit blocage. Ils imposent néanmoins des obligations aux FAI concernant les modalités de blocage : les mesures prises par les FAI en application de cette injonction doivent être ciblées en empêchant l’accès au site illicite sans priver les internautes de la possibilité d’accéder aux autres sites Internet non visés par cette injonction.

Si la CJUE reconnaît qu’une telle injonction puisse représenter pour le FAI « un coût important, susceptible d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes », elle considère cependant que ces contraintes ne constituent pas « des sacrifices insurmontables ».

Cet arrêt doit être mis en perspective avec le jugement rendu le 28 novembre dernier par le Tribunal de grande instance de Paris qui, à la demande d’ayants droit, avait ordonné aux principaux FAI français de bloquer l’accès à des sites Internet de streaming illégaux (appartenant pour la plupart au réseau Allostreaming). Dans leur jugement, les magistrats français avaient en effet ordonné cette mesure de blocage sans préciser concrètement les modalités d’un tel blocage et avaient rejeté la demande des ayants droit visant à mettre le coût financier de telles mesures à la charge des FAI. Ce jugement a fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel de Paris qui est en cours d’examen.

L’arrêt de la CJUE vient donc appuyer la mesure de blocage ordonnée par le Tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire Allostreaming mais pourrait être vivement discuté par les parties dans la procédure d’appel en cours au sujet de la prise en charge par les FAI du coût des mesures de blocage.

En pratique, ces mesures de blocage ne devraient pas empêcher complètement les éditeurs de sites Internet de téléchargement ou streaming illégal de proposer leurs services aux internautes puisque les décisions de justice ordonnant des mesures de blocage portent uniquement sur des sites déterminés. Les éditeurs de ces sites pourront toujours fermer les sites bloqués et ouvrir des sites miroirs accessibles via d’autres noms de domaine.

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