Auteur/autrice : crossenetborowsky

La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine[1], parfois caractérisée de « loi fourre-tout », contient des nouvelles mesures relatives à l’audiovisuel. Transparence des comptes de production et d’exploitation, obligation de recherche d’exploitation suivie et nouvelles règles de cession des contrats de production audiovisuelle, sont autant de changements qui viennent modifier le paysage audiovisuel actuel et que nous avons résumé ci-dessous. Ceux-ci ne constituent en réalité qu’un bref aperçu des nombreuses mesures adoptées.

Les comptes de production et d’exploitation doivent être transparents : dans le même élan qui a entraîné la mise en place, dans le secteur cinématographique, d’un coût uniforme de l’œuvre et l’encadrement de l’amortissement de ce coût opposable aux auteurs, le législateur est intervenu afin de renforcer la transparence dans l’industrie audiovisuelle et cinématographique. Cette obligation renforcée a désormais vocation à s’imposer tant aux producteurs délégués qu’aux distributeurs, en s’appliquant tant en amont sur le compte de production, qu’en aval sur le compte d’exploitation, et ne bénéficie plus seulement aux auteurs. La liste des œuvres concernées a également été allongée (œuvres cinématographiques de longue durée mais aussi certaines œuvres audiovisuelles, dont les œuvres de fiction et d’animation, admises au bénéfice des aides financières à la production du CNC). Des sanctions administratives, telle qu’une sanction pécuniaire assise sur le chiffre d’affaires ou une réduction, voire même le remboursement, des aides financières attribuées, ont par ailleurs été prévues afin de garantir le respect de ces nouvelles obligations.

Un décret doit en principe fixer les conditions de mise en œuvre de ces règles de transparence, repoussant ainsi leur application.

Sur le compte de production : il s’agit là d’une nouveauté – en substance, la loi impose désormais aux producteurs d’établir et de transmettre le compte de production de l’œuvre (recensant toutes les dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la postproduction de l’œuvre). Cette communication doit être effectuée dans un délai spécifique notamment auprès des coproducteurs et tout tiers bénéficiant d’un intéressement contractuel aux recettes d’exploitation de l’œuvre conditionné à l’amortissement du coût de production (dont les scénaristes, réalisateurs et compositeurs).

La loi remet à la négociation collective le soin de définir la forme de ce compte, la définition des catégories de dépenses le composant et la nature des moyens de financement par accord professionnel[2] qui pourra être rendu obligatoire par arrêté à tous les acteurs de l’industrie. Pour inciter à la discussion collective qui est au plus près des intérêts des acteurs en jeu et accélérer la mise en application des nouvelles garanties, une date butoir a été instaurée ; si aucun accord professionnel n’est rendu obligatoire à l’expiration d’une période d’un an à compter de cette loi, ces éléments seront définis par décret en Conseil d’Etat[3].

Les obligations relatives à l’établissement et à la communication du compte de production devront par ailleurs être intégrées dans les contrats conclus avec les personnes concernées, étant précisé que cette obligation ne semble pas être assortie de sanction administrative en cas de manquement.

Sur le compte d’exploitation : la loi impose aux distributeurs et mandataires d’établir et de transmettre au producteur délégué le compte d’exploitation de l’œuvre dans des délais encadrés, afin que ce dernier puisse le communiquer, entre autres, aux auteurs et co-producteurs[4]. Elle poursuit ainsi son objectif d’harmonisation à travers la mise en place d’obligations de forme (présentation du compte par mode d’exploitation et par territoire) et de fond (indication de l’état d’amortissement des minimas garantis, entre autres).

La négociation collective est à nouveau privilégiée puisque la loi renvoie la définition de certains éléments (forme du compte, définitions des encaissements bruts, des coûts d’exploitation, etc.) à un accord professionnel[5], qui pourra également être rendu obligatoire à tous les acteurs de l’audiovisuel par arrêté. Le Conseil d’Etat sera en charge de déterminer ces éléments par décret si aucun accord professionnel obligatoire n’est pris dans l’année suivant cette loi.

Les contrats de cession de droits d’exploitation et mandats de commercialisation devront rappeler l’obligation d’établissement et de communication du compte d’exploitation précitée, bien que cette obligation semble être affranchie de sanction administrative en cas de manquement.

Faisant fî de la négociation contractuelle, cet objectif de transparence présentera au moins l’avantage d’harmoniser les différents éléments d’établissement des redditions des comptes, facilitant et accélérant ainsi les calculs des rémunérations dues.

Le producteur est tenu de rechercher une exploitation suivie de ses œuvres, conforme aux usages de la profession : jusqu’en juillet 2016, le producteur était tenu d’assurer à l’œuvre audiovisuelle une « exploitation conforme aux usages de la profession ». Les paramètres de cette exploitation n’avaient pas été définis par le législateur, ce qui décourageait les bénéficiaires de cette disposition de s’en prévaloir.

Soucieuse de favoriser la circulation des œuvres, la loi nouvelle renforce cette obligation en précisant que cette exploitation doit être suivie. Elle prévoit par ailleurs que le champ d’application et les conditions de mise en œuvre de celle-ci devront être définies par voie d’accord professionnel qui pourra être rendu obligatoire pour l’ensemble des intéressés concernés par arrêté.

C’est ainsi qu’un accord professionnel a d’ores et déjà été conclu le 3 octobre 2016[6]. Cet accord a été étendu par arrêté du 7 octobre 2016[7], et s’impose à toute entreprise de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi qu’à toute entreprise cessionnaire ou mandataire de droits d’exploitation d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Ces textes visent certaines œuvres françaises cinématographiques et audiovisuelles pour lesquelles un contrat de production audiovisuelle est régi par le droit français. Ils s’appliquent à compter du 7 octobre 2016, bien qu’un aménagement ait été prévu pour les œuvres exploitées avant cette date.

L’obligation de recherche d’exploitation suivie est qualifiée comme une obligation de moyens, en vertu de laquelle le producteur doit entreprendre ses meilleurs efforts pour permettre à l’œuvre d’être exploitée en France et/ou à l’étranger, soit en exploitant l’œuvre lui-même, soit par le biais de distributeurs ou d’opérateurs. Cette obligation est répercutée sur les distributeurs, qui devront également faire leurs meilleurs efforts pour permettre au producteur de remplir son obligation de recherche d’exploitation suivie.

Le producteur doit par ailleurs fournir, sur simple demande écrite de l’auteur ou, à défaut, de son représentant mandaté, les informations relatives aux efforts qu’il a engagés et aux motifs éventuels qui l’empêchent de remplir cette obligation de recherche d’exploitation suivie. Le producteur pourra solliciter les distributeurs et opérateurs pour fournir les informations relatives aux exploitations effectuées.

Ces obligations étant particulièrement favorables aux auteurs et contraignantes pour les producteurs, l’accord a instauré des présomptions de respect de cette obligation de recherche d’exploitation suivie. Ainsi, par exemple, l’obligation du producteur est présumée respectée lorsque l’œuvre fait l’objet de contrats d’exploitation en cours d’exécution en vue d’une exploitation dans deux modes parmi cinq modes d’exploitation identifiés par l’arrêté ; cependant, un contrat de cession de droits pour un seul mode visant la France sera suffisant pour les œuvres audiovisuelles et pour les œuvres cinématographiques de plus de huit ans.

Des causes d’exonération ont également été prévues sous certaines conditions, notamment en cas d’impossibilité de renégocier les droits d’exploitation, constituant un obstacle juridique au respect de cette obligation.

Ce régime n’est pas sans rappeler celui de l’éditeur d’une œuvre littéraire, qui doit en assurer une exploitation permanente et suivie, sous peine de voir la cession des droits résiliée. Toutefois, les sanctions applicables dans le secteur audiovisuel en cas de manquement aux obligations précitées n’ont pas été clairement définies, même si le texte encourage le recours à la médiation.

Précisons enfin que l’accord professionnel met en place d’autres obligations et engagements, applicables entre autres aux producteurs, auteurs, distributeurs et diffuseurs, dont une mesure que nous trouvons particulièrement encourageante, et qui oblige les auteurs et producteurs à négocier de bonne foi pour « favoriser le renouvellement et/ou la renégociation des contrats conclus pour une durée limitée, dans des conditions permettant que les droits d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur sur l’œuvre ne soient pas dissociés artificiellement à des fins spéculatives ».

Les cessions de contrats de production audiovisuelle sont désormais encadrées : en cas de cession par le producteur du bénéfice du contrat à un tiers, la loi impose une information préalable des coauteurs, qui devra intervenir au plus tard un mois avant la date effective de la cession. Ce droit d’information préalable doit figurer au contrat.

Bien que certaines conditions encadrant cette nouvelle mesure n’aient pas été clairement précisées (forme de la notification, nature de l’objet de la cession), le respect du formalisme imposé par la loi sera rapidement mis à l’épreuve dans cette industrie où cession de contrats et de catalogues rythment le quotidien. Il nous semble par ailleurs que l’absence de notification pourrait mettre en cause la validité de la cession. Les enjeux sont donc très importants dans le cadre de rapprochements de sociétés, d’audits juridiques et de cessions de catalogue. Ainsi, il conviendra de rester particulièrement attentifs aux développements à venir, qui permettront certainement de définir de manière plus précise les conditions de cette nouvelle obligation.

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La loi relative à la liberté de la création contient de nombreuses autres dispositions relatives, entre autres, aux contrats d’édition, aux contrats conclus entre artiste-interprète et producteur de phonogrammes, au médiateur de la musique, aux contrats de transmission des droits d’auteur et au régime du droit de suite et de la copie privée.

Compte tenu des importantes modifications, une mise à jour des contrats et/ou un suivi personnalisé sont fortement conseillés.

 

[1] Loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine

[2] S’agissant des œuvres audiovisuelles, il semblerait qu’un ou plusieurs accord(s) professionnel(s) pourront établir ces définitions y compris les modalités d’amortissement du coût de production.

[3] Un premier accord professionnel a été conclu le 19 février 2016 entre certains producteurs, diffuseurs et distributeurs sur la transparence des comptes et des remontées de recettes en matière de production audiovisuelle mais n’a pas encore été étendu.

[4] Précisons également que des dispositions particulières encadrent cette obligation lorsque le producteur délégué exploite directement l’œuvre

[5] S’agissant des œuvres audiovisuelles, il semblerait qu’un ou plusieurs accord(s) professionnel(s) pourront établir ces définitions.

[6] Accord conclu entre une majorité des syndicats de producteurs et d’éditeurs, certaines chaînes de télévision et certains syndicats d’auteurs (SACD et SCAM notamment) pour une durée de trois ans tacitement reconductible

[7] Arrêté du 7 octobre 2016 pris en application de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle et portant extension de l’accord du 3 octobre 2016 sur l’obligation de recherche d’exploitation suivie relative aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles

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Après plus de quatre ans de négociation, le nouveau règlement sur les données personnelles (le « Règlement ») a enfin été adopté le 24 mai 2016[1]. Toutefois, il ne sera applicable qu’à compter du 24 mai 2018. Les entreprises responsables de traitements de données personnelles et leurs sous-traitants auront jusqu’à cette date pour se mettre en conformité avec le Règlement y compris pour les traitements déjà mis en œuvre à cette date.

Le Règlement a pour objectif d’adapter les règles sur les données personnelles au monde du numérique et de les harmoniser au sein des pays de l’Union Européenne (UE). Ce texte remplacera donc la règlementation existante jusqu’à aujourd’hui.

Son champ d’application est large puisqu’il s’appliquera dès lors que (i) les données personnelles collectées concernent un citoyen résidant dans l’UE, que le responsable de traitement se trouve ou non sur ce territoire; (ii) le responsable du traitement ou son sous-traitant réside dans l’UE, c’est-à-dire que le Règlement s’appliquerait à un citoyen non-européen dont les données seraient collectées ou traitées par une société de l’UE. Le critère du lieu d’établissement du responsable de traitement, jusqu’alors retenu pour définir la loi applicable au traitement de données, est donc largement dépassé. Le but est notamment de permettre d’encadrer les traitements effectués sur Internet lorsque l’une des personnes impliquées dans le traitement (le responsable de traitement ou la personne dont les données sont traitées) est située en dehors de l’Espace Economique Européen.

Les points essentiels à retenir de ce Règlement sont les suivants:

  • Etablissement d’un niveau élevé de protection et de contrôle des citoyens sur leurs données personnelles, notamment par la création d’un droit à la portabilité des données personnelles et la consécration du droit à l’oubli;
  • Modifications profondes du régime de la responsabilité. A titre d’exemple, les responsables de traitement ne sont plus soumis à l’obligation de déclaration (le régime d’autorisation est quant à lui maintenu dans certains cas) et devront prouver qu’ils ont respecté les dispositions du Règlement; les sous-traitants se voient désormais appliquer directement une série d’obligations légales;
  • Les sanctions administratives sont renforcées en cas de non respect de ces règles puisqu’elles pourront s’élever jusqu’à 4% du chiffres d’affaire annuel mondial de l’entreprise et à 10 ou 20 millions d’euros dans les autres cas.

 Plus particulièrement, parmi les obligations mises à la charge des sociétés effectuant des traitements de données personnelles, il convient de relever que celles-ci devront désormais:

  • Mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées et être capable de démontrer cette conformité au Règlement à tout moment (principe « d’accountability»). A ce titre, les responsables de traitement de données devront par exemple garantir la confidentialité du traitement ou veiller à ce que, par défaut, seules les données strictement nécessaires au regard de chaque finalité soient traitées (principe dit de « minimisation »);
  • Si la société comporte plus de 250 salariés (sauf exception), tenir un registre des activités de traitements comparable à un inventaire des traitements;
  • Désigner un délégué aux données personnelles si la société appartient au secteur public, si son activité principale l’amène à réaliser un traitement systématique de données personnelles à grande échelle ou enfin si son activité principale l’amène à traiter (toujours à grande échelle) des données dites « sensibles » ou relatives à des condamnations;
  • Notifier aux autorités (et aux personnes concernées si cette violation est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés d’une personne) les failles de sécurité 
dans un délai de 72 heures après en avoir pris connaissance.

Dans la mesure où le Règlement s’appliquera pour les traitements déjà mis en œuvre en mai 2018, les entreprises ont tout intérêt à se préparer dès maintenant à ces nouvelles règles qui impliquent une nouvelle organisation, en particulier pour les sous-traitants soumis pour la première fois à des obligations légales.

 

[1] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE

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La société de droit suédois Team Reager AB, spécialisée dans la conception de produits et services pour téléphones portables, a créé un « kit mains libres » innovant dénommé « Moobitalk ».

Afin de garantir la pérennité de l’exploitation de ce produit, elle a déposé, le 19 octobre 2010, la marque verbale communautaire « Moobitalk ».

S’étant aperçue que M. X., un dirigeant de sociétés proposant des services de communication regroupés autour du suffixe « moobi » au Proche-Orient et plus particulièrement au Yemen, avait enregistré le 17 avril 2011 (soit postérieurement à la marque « Moobitalk » précitée) le nom de domaine « moobitalk.com », la société Team Reager AB a demandé à l’OMPI le transfert dudit nom de domaine à son bénéfice dans le cadre d’une procédure UDRP.

Ce transfert lui a été accordé par décision du 29 juillet 2013.

M.X. a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’Appel de Paris qui a infirmé la décision de l’OMPI et rappelé que si l’utilisation d’un signe distinctif comme nom de domaine sur Internet peut constituer un acte d’usage dans la vie des affaires au sens de l’article 9 du règlement communautaire (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 (condition nécessaire à constituer l’acte de contrefaçon), un tel usage ne peut constituer un acte de contrefaçon d’une marque qu’à la condition que le public visé par le site litigieux est situé sur le territoire de l’Union européenne.

En application de ce principe et en constatant que, malgré l’identité de la marque « moobitalk » avec le nom de domaine litigieux, le site internet auquel renvoi ledit nom de domaine (i) est rédigé en anglais ou en arabe et (ii) propose huit versions s’adressant chacune aux consommateurs de huit pays du Proche et du Moyen Orient, soit la Jordanie, le Koweit, l’Irak, les Emirats arabes unis, la Palestine, l’Arabie Saoudite, le Maroc et la Mauritanie, la Cour d’Appel a jugé que le public situé sur le territoire de l’Union européenne n’était pas visé par le site internet et par conséquent, que la contrefaçon n’était pas établie.

La Cour d’Appel a précisé en outre que l’extension « .com » est commune à tous les pays et, dès lors, dépourvue de signification géographique. Ainsi, elle ne traduit pas nécessairement la volonté de toucher le public partout dans le monde et en particulier sur le territoire de l’Union européenne.

Si cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante et désormais bien établie, elle a le mérite de rappeler aux titulaires de droits les limites du droit des marques qui sont intrinsèquement liées à sa territorialité. Afin d’éviter des désagréments similaires, la réflexion et la mise en place d’une véritable stratégie de protection du portefeuille de marques et noms de domaine apparaissent indispensables. Le titulaire de la marque aurait ainsi pu enregistrer le nom de domaine correspondant à sa marque dans les différentes extensions génériques (y compris .com, .eu, .biz, etc.) et/ou prévoir de déposer sa marque dans des territoires plus pertinents.

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Par une décision du 26 janvier 2016, la CNIL a constaté que les traitements de données personnelles effectués par les sociétés Facebook inc. et Facebook Ireland ne respectaient pas la loi française et a par conséquent mis en demeure ces dernières de s’y conformer. Il convient de noter que dans sa décision, la CNIL prévoit que chaque manquement à la loi française fait l’objet d’une mise en demeure et de sanctions financières distinctes et cumulatives.

Si cette décision permet de mettre en lumière les pratiques des sociétés Facebook dans le traitement des données qu’elle opère (que la CNIL a jugé illicites), ce qu’il convient de retenir, c’est que la CNIL s’est, pour la première fois, considérée compétente pour analyser et sanctionner les traitements de données personnelles effectués par le géant californien en application de la loi française qu’elle déclare applicable aux faits de l’espèce. Jusqu’alors, la CNIL n’avait adressé à ce dernier que de simples lettres. La CNIL considérait en effet que dans la mesure où la loi française n’était pas applicable, elle n’était pas en mesure de prendre de sanctions en cas d’absence de réponse de Facebook. La donne a changé.

En substance, pour reconnaître l’application de la loi française aux sociétés Facebook inc. et Facebook Ireland, la CNIL reprend à son compte les récentes décisions Google Spain (C-131/12) et Weltimmo (C-230/14) rendues par la CJUE qui ont considérablement élargi le critère d’ « établissement », critère permettant de déterminer la loi applicable au traitement de données effectué par un responsable de traitement situé en dehors de l’Espace Économique Européen (conformément aux articles 4 de la directive 95/46/CE et 5 de la Loi Informatique et libertés n° 78-17 du 6 janvier 1978).

Ainsi, dès lors qu’un responsable de traitement dispose d’un « établissement » sur un territoire de l’UE – un établissement n’étant pas forcément constitué par une société enregistrée mais par toute installation stable qui sans effectuer elle même le traitement des données intervient dans le cadre des activités de celui-ci (en assurant la promotion et la vente d’espaces publicitaires par exemple) – la loi nationale de cet Etat sera applicable.

En tirant bénéfice de l’élargissement du critère d’établissement et en déclarant la loi française désormais applicable (sans préciser d’ailleurs les circonstances de l’espèce), la CNIL démontre sa volonté de s’inscrire comme fer de lance de la protection des données personnelles en Europe (cette décision marque le premier acte contraignant d’un office de protection des données personnelles européen à l’encontre d’un géant du Web) et dans la dynamique toujours plus grande de voir engager la responsabilité des acteurs de l’internet basés à l’étranger affichée par la Commission Européenne[1].

Ainsi, il y a fort à parier que d’autres sociétés étrangères procédant à des traitements de données en France feront bientôt, à leur tour, l’objet d’enquêtes de la CNIL et peut-être de sanctions si les obligations de la loi française n’étaient pas respectées.

Compte tenu du préjudice d’image indéniable que représente des telles sanctions et du caractère cumulatif des amendes encourues, les responsables de traitement qui pensaient pouvoir échapper à la loi française devront réfléchir à deux fois avant de mettre en place leur traitement. D’autant plus, avec l’entrée en vigueur du Règlement européen qui prévoit que les amendes administratives des autorités de contrôle pourront être indexées sur un pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial du responsable de traitement (dans la limite de 1.000.000 d’euros).

La conformité des entreprises avec le droit de l’Union et notamment avec le droit français est aujourd’hui une priorité.

 

[1] Le futur Règlement européen prévoit en effet que le droit de l’Union sera applicable, aux traitements de données à caractère personnel relatifs aux personnes ayant leur domicile sur le territoire de l’Union dès lors que les activités de traitement sont liées i) à l’offre de biens ou services, ou ii) à l’observation de leur comportement.

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Lors de notre précédente Newsletter, nous vous avions communiqué les nouvelles mesures fiscales applicables à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles à compter du 1er janvier 2016. Ces mesures concernaient tant le crédit d’impôt national, applicable aux producteurs délégués français, que le crédit d’impôt international, qui bénéficie aux producteurs étrangers.

La loi de finances pour l’année 2016 vise à renforcer le crédit d’impôt national principalement pour les œuvres cinématographiques en complétant les dispositions existantes, sous l’impulsion majeure de Luc Besson qui menaçait de délocaliser la production de son film « Valerian » du fait du dispositif français alors en place.

« Valerian » est une œuvre cinématographique de langue anglaise produite par un producteur français et comptant parmi les films français les plus chers de l’histoire. En tant que producteur français, seul le crédit d’impôt national était accessible à Europacorp, ayant pour effet qu’Europacorp se trouvait dans une position moins favorable que les producteurs étrangers en appliquant le système actuel. D’abord, la langue anglaise disqualifie purement et simplement le film de l’éligibilité au crédit d’impôt national. De plus, en admettant que cette production soit éligible, le crédit d’impôt national pour ce type d’œuvre est limité à 20% alors que le crédit d’impôt international s’élève à 30% à compter du 1er janvier 2016 pour ces mêmes œuvres, avec des plafonds plus importants que ceux prévus pour le crédit d’impôt national. Au vu de la structure actuelle, les différentes aides et crédits d’impôt proposés par les autres pays européens devenaient ainsi plus attractifs que ceux disponibles en France.

En raison de l’internationalisation des productions françaises du fait de l’utilisation de la langue anglaise comme langue de tournage, mais également du niveau des budgets en question pour ces œuvres, certaines modifications au dispositif fiscal national étaient nécessaires afin de maintenir la compétitivité du marché français et éviter la délocalisation. « Valérian », dont le budget avoisine les 170 Millions d’Euros, illustre parfaitement l’importance de prévenir la délocalisation de ce type de production pour l’industrie du film français et l’économie française.

La loi de finances pour l’année 2016 prévoit donc des modifications de deux ordres, portant sur l’élargissement des conditions d’éligibilité, et l’augmentation du montant du crédit d’impôt accessible aux sociétés de production. Les changements suivants sont mis en place pour les œuvres de fiction et d’animation en particulier :

– Concernant l’éligibilité :

  • Le critère de langue n’est plus un critère d’éligibilité des œuvres cinématographiques d’animation.
  • Les œuvres cinématographiques de fiction tournées en langue étrangère sont éligibles lorsque : (i) au moins 15% des plans font l’objet de traitement numérique permettant d’ajouter ou de modifier certains éléments définis par la loi (la loi assimilant ces œuvres aux œuvres cinématographiques d’animation), ou (ii) l’emploi d’une langue étrangère est justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario.

– Concernant le montant du crédit d’impôt :

  • Les pourcentages du crédit d’impôt accessible aux entreprises de production sont modifiés comme suit :
Animation Fiction
Œuvres audiovisuelles 25% 25%
Œuvres cinématographiques 30% 20%, ou 30% lorsque :

(i) le film est produit en français ou dans une langue régionale en usage en France ; ou

(ii) au moins 15% des plans font l’objet de traitement numérique permettant d’ajouter ou de modifier certains éléments définis par la loi.

 

  • Le plafond total des crédits d’impôt a été augmenté à 30 Millions d’Euros pour les œuvres cinématographiques.
  • Malgré le fait que le plafond total demeure à 4 Million d’Euros, le plafond de crédit d’impôt par minute applicable aux œuvres audiovisuelles de fiction a également été augmenté. Ce plafond, initialement de 1 250€ par minute livrée, oscille désormais entre 1 250€ et 10 000€ par minute livrée, selon le coût de production par minute produite. Ces nouveaux plafonds s’appliquent également aux œuvres audiovisuelles de fiction produites dans le cadre d’une co-production internationale et répondant à certaines conditions de budget et de financement spécifiques.

Ces nouvelles mesures doivent encore être décrétées conformes au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat par la Commission européenne ; si tel est le cas, elles s’appliqueront au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016.

 

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La décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 6 Octobre 2015[1] a invalidé avec grand bruit le mécanisme «  Safe Habor » permettant depuis 2000[2] le transfert de données personnelles depuis l’Union Européenne vers des entreprises situées aux Etats-Unis bénéficiant d’une certification «  Safe Habor ».

Pour rappel, les Etats-Unis n’offrant pas un niveau de protection adéquat, le transfert de données personnelles vers des entreprises situées dans ce pays est de manière générale interdit[3]. Toutefois, à titre d’exception, il était jusqu’alors permis aux sociétés européennes de transférer des données à caractère personnel à des prestataires américains si et seulement si ces derniers i) bénéficiaient d’une certification « Safe Harbor » aux termes de laquelle ils déclaraient s’engager à mettre en œuvre des mécanismes permettant d’assurer un niveau de protection adéquat ou ii) concluaient des contrats avec un responsable de traitement européen insérant les clauses contractuelles types édictées par la Commission européenne[4].

Dans la décision du 6 octobre 2015, la CJUE a notamment considéré que, eu égard aux révélations d’Edward Snowden en 2013 sur les programmes de surveillance de masse de la NSA, la certification « Safe Habor » ne présentait plus les garanties suffisantes pour la protection de la vie privée. Cette décision étant d’application immédiate, tous les transferts de données personnelles effectués sur la base de cette certification sont donc illégaux et doivent en théorie faire l’objet de régularisation.

Suite à cette décision, la CNIL et ses homologues européens (G29) se sont réunis le 15 octobre dernier pour élaborer un plan d’action commun permettant aux acteurs de s’adapter au nouveau contexte juridique. A ce titre, le G29 a appelé les institutions et les gouvernements européens à construire un nouveau cadre juridique permettant de procéder à des transferts de données entre l’Europe et les Etats-Unis, et ceci, avant le 31 janvier 2016. De telles solutions pourraient intervenir dans le cadre de négociations d’un accord intergouvernemental et la mise en place d’un nouveau « Safe Harbor » pourrait être envisagé.

Le G29 poursuit son analyse de l’impact de la décision de la CJUE sur les autres outils permettant d’effectuer un transfert des données vers les Etats-Unis et notamment concernant les clauses contractuelles type précitées. Le G29 a indiqué qu’en attendant la mise en place de nouvelles règles, cet outil pouvait encore être utilisé par les entreprises européennes pour transférer des données personnelles aux Etats-Unis.

Toutefois, cet outil ne permettant pas plus que le « Safe Harbor » de prévenir une éventuelle intrusion de la NSA dans les données personnelles des européens confiées à des prestataires américains, les entreprises ne sont pas à l’abri de voir cette solution invalidée à son tour par décision de justice ou recommandation de la CNIL[5].

Dans l’attente de la signature d’un nouvel accord intergouvernemental ou de la mise en place d’un nouvel outil de transfert, comment les entreprises doivent-elles réagir aujourd’hui ?

Dans ce contexte, les entreprises européennes désireuses de transférer leurs données aux Etats-Unis doivent agir avec prudence.

Elles doivent ainsi mettre en œuvre des solutions juridiques et techniques pour limiter les risques éventuels qu’elles prennent en transférant leurs données personnelles, ce qui implique essentiellement de mettre en place des clauses contractuelles contraignantes vis-à-vis des prestataires qui recevront les données aux Etats-Unis.

Ces clauses devront notamment inclure :

(i) à minima, toutes les obligations prévues dans les clauses contractuelles types ;

(ii) des obligations supplémentaires pour les prestataires américains opérant un service de Cloud Computing :

  • informations relatives à la manière dont les traitements sont effectués (respect de la loi informatique et libertés[6], définition des moyens de traitement mis en place, consentement du client en cas de recours à un tiers pour la réalisation du traitement, limitation de la durée de conservation et report des obligations dans les contrats de sous-traitance) ;
  • mise en place d’un système de remontée des plaintes et failles de sécurité ;
  • possibilité pour le client de procéder à un audit du prestataire ;
  • destruction et restitution des données à la fin de la prestation ou en cas de rupture anticipée du contrat dans un format choisi par le client ;
  • indication des obligations incombant au prestataire en matière de sécurité des données (notamment, mesures de sécurités physiques et techniques, traçabilité, continuité du services, niveau de service, sauvegardes) et précision que ce dernier ne peut agir que sur instruction du client ;
  • devoir de coopération de la part du prestataire avec les autorités de protection des données compétentes et obligation de fournir au client toute information utile permettant de procéder à la déclaration du traitement auprès desdites autorités ;
  • indication claire et exhaustive des pays dans lesquels les données sont hébergées et assurance d’une protection adéquate dans les pays en question.

(iii) enfin et surtout, afin de prévenir tout éventuel revirement de la CNIL, des obligations particulières pour s’assurer la licéité du transfert en toute circonstance :

  • obligation de s’adapter en prenant les mesures techniques et juridiques nécessaires pour se conformer aux évolutions de la loi informatique et libertés et aux recommandations de la CNIL ;
  • en cas d’incapacité ou d’impossibilité de respecter les évolutions de la loi informatique et libertés, prévoir une clause de résiliation automatique du contrat avec restitution (interopérabilité) et suppression des données sans frais supplémentaires pour le client.

Jusqu’à présent, le recours à des sous-traitants bénéficiant du « Safe Harbor » s’effectuait dans la grande majorité des cas par la signature de conditions générales ou de contrats d’adhésion dans lesquels les clients européens ne pouvaient négocier la moindre clause. L’actuel flou dans lequel sont placés les prestataires américains autrefois « Safe Harbor » les obligera nécessairement à modifier leurs contrats et à les adapter aux exigences de leurs clients européens. La décision de la CJUE aura peut-être le mérite de rééquilibrer les forces entre responsables de traitement européens et prestataires de services américain.

[1] Arrêt CJUE du 6 octobre 2015, Affaire C-362-14 Maximillian Schrems v. Data Protection Commissionner

[2] Décision de la Commission du 26 juillet 2000

[3] Rappelons en effet qu’aux termes de la directive 95/46, lorsqu’un pays tiers à l’Union Européenne n’offre pas un niveau de protection adéquat, le transfert de données à caractère personnel vers ce pays doit être interdit

[4] Précisons qu’un autre moyen contractuel de transfert était prévu pour les entreprises d’un même groupe (« Binding Corporate Rules »)

[5] A ce titre, il convient de préciser qu’une autorité de protection allemande s’est déjà prononcée en exprimant son souhait d’invalider également les clauses contractuelles types et de n’autoriser le transfert des données aux Etats-Unis que sous réserve du changement de leur législation

[6] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

 

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Face aux changements apportés par notre environnement numérique et l’avènement constant de nouvelles technologies, la Commission européenne a lancé depuis 2011 plusieurs études, travaux de réflexions, consultations et actions dans le but de moderniser et d’harmoniser le droit d’auteur dans l’Union européenne. Le but de cette démarche s’inscrit dans le prolongement de la stratégie de la Commission de mettre en place « un marché unique des droits de propriété intellectuelle ». La Commission alors en fonction n’avait cependant pas abouti à des mesures concrètes, la réforme envisagée ayant été considérée insuffisante pour certains.

La Commission actuelle, dont le mandat a débuté en novembre 2014, a fait de la croissance et l’emploi sa priorité et est venue dès lors accélérer le processus de réforme (le marché unique du numérique étant considéré par le président de la Commission comme un moyen direct de croissance). Pour ce faire, il a été clairement signifié qu’il convenait de « briser les barrières nationales en matière de règlementation du droit d’auteur » afin de « libérer la créativité », et ce, avec un minimum de réglementation.

La rédaction d’un rapport a été confiée fin 2014 à l’eurodéputée Julia Reda, membre du Parti Pirate, et présenté début 2015 au Parlement européen. Ce projet de rapport envisageait notamment, et dans les grandes lignes :

  • la suppression de restrictions territoriales au droit d’auteur et la promotion de l’accès transfrontalier aux contenus ;
  • l’harmonisation des conditions de protection, notamment par l’introduction d’un titre européen unique applicable dans tous les Etats membres (qui aurait par ailleurs également vocation à contribuer à la suppression des « obstacles découlant du caractère territorial du droit d’auteur» tel que mentionné ci-dessus), et de la durée des droits d’auteur ;
  • l’harmonisation et le renforcement des exceptions et limitations au droit d’auteur[1].

Ce texte a fait l’objet de vifs débats et d’une grande mobilisation de la part des professionnels de la propriété intellectuelle et de certains Etats, la France en tête. Les contestations reposaient essentiellement sur une confrontation entre libéralisation de la création et droit des consommateurs d’une part, et protection et sécurité des auteurs et des ayants droits d’autre part. Elles portaient également sur le rapport de force entre industrie et auteurs/artistes et sur les intérêts particuliers des Etats membres. De manière plus générale, se posait enfin la question de la garantie du niveau de protection du droit d’auteur dans chaque Etat membre en cas d’harmonisation.

Au final, plus de 500 amendements ont été soumis au projet de rapport initial, contraignant le Parlement européen a adopter une résolution non législative[2], le 9 juillet dernier, modifiant sensiblement certaines propositions jugées trop « radicales ».

C’est ainsi que, à titre d’exemple :

  • Sur les exceptions et limitations au droit d’auteur :

(i) Alors que le projet de rapport envisageait une harmonisation totale et une application obligatoire des exceptions et limitations au droit d’auteur, les députés ont considéré que ces exceptions devraient toujours pouvoir être établies par chaque Etat membre en fonction de ses intérêts culturels et économiques, tout en suggérant l’instauration de normes minimales ;

(ii) Certaines exceptions proposées dans le projet de rapport, et qui auraient ainsi considérablement élargi les possibilités d’exploitation des œuvres par les consommateurs, ont également été supprimées (notamment la reconnaissance d’un droit de citation en matière audiovisuelle) ou modérées (la proposition d’une exception obligatoire « permettant aux bibliothèques de prêter des livres au public sous format numérique quel que soit le lieu d’accès » a par exemple été encadrée quant à l’usage prévu, la durée, l’objectif voulu, et l’instauration potentielle d’une indemnisation équitable des auteurs).

  • Sur la territorialité et l’accessibilité des contenus et services :

Alors que la territorialité était remise en cause de manière générale dans le projet de rapport initial, le Parlement a finalement demandé à ce que ce principe de territorialité soit réaffirmé afin de permettre « à chaque Etat membre de garantir le principe d’une rémunération équitable ». Certains députés ont effectivement fait valoir que la territorialité permet de valoriser les revenus générés dans chaque territoire, contribuant ainsi au financement des œuvres, et par voie de conséquence, assure une rémunération équitable aux auteurs et ayants droits.

Les députés ont toutefois souligné l’importance de favoriser une meilleure accessibilité et portabilité des services et contenus afin que les consommateurs ne voient pas leur accès à des contenus bloqués pour des causes géographiques et ont laissé le soin à la Commission de proposer des mesures en ce sens. Il semble donc que le débat n’est pas complètement tranché.

En revanche, les députés ont confirmé leur intérêt de mener des réflexions autour de la durée de protection ou l’incidence de la création d’un titre européen unique pour les Etats membres. Ils ont également confirmé leur souhait d’adapter et de créer certaines exceptions à l’ère numérique[3].

Face à la montée en puissance des services type Netflix, les enjeux suscités par cette réforme sont essentiels tant en matière de compétitivité et de développement des services européens que du renforcement des droits des consommateurs. Ils se trouvent cependant confrontées aux contestations et revendications de certains acteurs de la propriété intellectuelle. L’harmonisation du droit d’auteur au niveau européen semble donc particulièrement compliquée et devra nécessairement composer avec les forces en présence. La Commission doit présenter une proposition de révision législative à la fin de l’année 2015. Il conviendra alors d’étudier l’équilibre proposé.

[1] Le projet de rapport contient de nombreuses propositions que nous n’avons pas reprises ou développées dans le cadre de cet article. Vous pouvez vous y référez en suivant ce lien : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-546.580+02+DOC+PDF+V0//FR&language=FR

[2] Résolution du Parlement européen du 9 juillet 2015 sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

[3] La résolution non-législative contient de nombreuses propositions qui ne sont pas reprises ou développées dans le cadre de cet article. Vous pouvez vous y référer en suivant le lien suivant : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P8-TA-2015-0273

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Fournisseurs de logiciel et sociétés de conseil en solution informatique attention à quoi vous vous engagez, même en l’absence de convention.

Dans une affaire jugée récemment par la Cour d’Appel de Grenoble (CA. Grenoble, 4 juin 2015, n°2009J386), la société CIMM Franchise qui exploite un réseau de 120 agences immobilières, a commandé à la société de conseil E-Développement Conseil la création d’un logiciel afin de faire évoluer la gestion de ses biens immobiliers. La conception du logiciel a été confiée par E-Développement Conseil à la société 3C Evolution.

Il doit être précisé qu’aucun contrat ni cahier des charges n‘a été formalisé pour définir les missions confiées aux deux prestataires informatiques, ou encore les modalités de la création du logiciel.

Toutefois, des comptes rendus de réunion ont permis d’établir que les parties ont décidé que la livraison du logiciel serait due pour le mois de janvier 2008.

Le logiciel commandé n’a finalement été livré qu’en juin 2008 et a révélé de nombreux dysfonctionnements le rendant impropre à son utilisation. CIMM Franchise a, dans ces conditions, fait assigner les deux prestataires informatiques en résolution des contrats, en remboursement des sommes versées et en paiement de dommages-intérêts.

La Cour d’Appel de Grenoble, estimant que :

  • le développeur avait violé ses obligations en ne respectant pas le délai de livraison du logiciel, ladite obligation étant une obligation de résultat même en l’absence de contrat ou de cahier des charges ;
  • le développeur avait également violé ses obligations en ne fournissant pas un logiciel conforme aux besoins du client, ladite obligation constituant pareillement une obligation de résultat même en l’absence de contrat ou de cahier des charges ;
  • la société de conseil avait manqué à son obligation de conseil car d’une part, elle n’avait pas procédé à un appel d’offre avant de sectionner le développeur et ne s’était donc pas assurée de ses compétences, et d’autre part, elle n’avait pas formalisé de cahier des charges précis exprimant les besoins du client,

a prononcé la résolution des conventions aux torts exclusifs des deux prestataires et le remboursement par ces derniers des acomptes versés. Elle a en revanche débouté la demanderesse de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

De toute évidence, l’absence de formalisation d’actes a porté préjudice aux deux prestataires.

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Dans un souci de rendre plus attractif le territoire français pour la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, la Loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 apporte des modifications aux crédits d’impôts cinématographiques et audiovisuels. Applicable à compter du 1er janvier 2016, la loi incite à la fois producteurs délégués (dans le cadre du crédit d’impôt national) et producteurs exécutifs français (dans le cadre du crédit d’impôt international « C2I ») à localiser leurs dépenses en France.

 

Concernant le crédit d’impôt national :

 

Les modifications apportées portent essentiellement sur les programmes d’animation, afin de lutter contre la délocalisation de la production de tels programmes à l’étranger, notamment au Canada et aux Etats-Unis. Ainsi, le pourcentage des dépenses éligibles permettant de calculer le crédit d’impôt se voit augmenté à 25% pour les œuvres d’animation tant cinématographiques qu’audiovisuelles. De plus, le plafond apporté aux crédits d’impôts perçus sur une même œuvre audiovisuelle est augmenté, passant de 1.300€ à 3.000€ par minute produite et livrée.

 

Ces modifications s’adressent également aux œuvres cinématographiques de « petit » budget en permettant à celles dont le budget est compris entre 4 et 7 millions d’euros de bénéficier d’un pourcentage accru de 30% (il n’était accessible qu’aux œuvres dont le budget était inférieur à 4 millions d’euros jusqu’alors). D’après Frédérique Bredin, Présidente du CNC, cette mesure permettra des solutions de financement supplémentaires pour ces films dits « du milieu », qui constituent la part la plus fragilisée par la diminution des investissements.

 

Concernant le crédit d’impôt international :

 

Les modifications apportées portent sur le pourcentage de dépenses éligibles faisant l’objet du calcul du crédit d’impôt (qui est augmenté de 20% à 30%) ainsi que sur le plafond des crédits d’impôts calculés sur une même œuvre (qui est, lui, augmenté de 20 000 000€ à 30 000 000€). Ces mesures ont pour vocation d’améliorer la visibilité de la France comme destination culturelle, touristique et économique aux yeux du monde (c’est ainsi que la série Merlin, qui a bénéficié du crédit d’impôt international, a engendré un accroissement significatif des visites du château de Pierrefond).

 

Ces mesures sont bienheureuses dans une période où le financement de la production cinématographique et audiovisuelle est en déclin (réduction d’environ 20% des investissements dans la production cinématographique française, et d’environ 13% dans les co-productions cinématographiques internationales pour l’année 2014). Les députés à l’origine des modifications exposées ci-dessus affirment que les mesures prises s’accompagneront de retombées économiques importantes. Espérons que l’avenir leur donnera raison.

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Etes-vous bien protégés par un accord de co-existence de marque ?

La question peut légitimement se poser comme en témoigne l’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2015 (Cass. Com., n°13-24979).

Dans cette affaire la société Laboratoires Lehning, qui a pour activité la fabrication de préparations pharmaceutiques, est titulaire des marques française et communautaire « Lehning », pour désigner notamment des produits pharmaceutiques, vétérinaires et désinfectants en classe 5. Ayant constaté que la société Ecophar, avait déposé à l’INPI la marque française « Lehring Naturellement efficace » pour désigner des produits recoupant certains de ceux visés dans l’enregistrement de ses marques (également en classe 5), la société Lehning a contesté cette demande d’enregistrement. Cette contestation s’est soldée par la signature d’un accord de coexistence en juin 2008 entre les deux sociétés. Toutefois, au cours de l’année 2012, considérant que la société Ecophar n’avait pas respecté ses engagements aux termes de l’accord de coexistence, notamment en raison de la reproduction du terme « Lehring » isolément et en gros caractères sur son site internet, la société Lehning a assigné Ecophar en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

 

En appel, la Cour d’Appel de Paris avait estimé que, parce qu’ Ecophar avait globalement respecté l’accord de coexistence, il ne pouvait y avoir contrefaçon de marque ou concurrence déloyale. La Cour d’Appel avait donc fait ici un parallèle simpliste entre accord de coexistence et contrefaçon ou concurrence déloyale. Le respect global du premier entrainant automatiquement l’absence de matérialisation du second.

 

Toutefois, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, estimant que la Cour d’Appel aurait dû rechercher « comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des marques en présence et des produits désignés à l’enregistrement, le non-respect des engagements contractuels constaté n’était pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public… ».

La Cour de cassation a adopté le même raisonnement concernant l’action en concurrence déloyale.

Il en résulte que la reconnaissance de la contrefaçon et/ou de la concurrence déloyale n’est en aucun cas systématique. La violation d’un accord contractuel ne constitue une contrefaçon et/ou un acte de concurrence déloyale qu’autant qu’elle porte atteinte au monopole au regard des règles de droit applicables. Il appartient donc à la partie lésée de prouver la contrefaçon et la concurrence déloyale et ce malgré la violation de l’accord de coexistence.

La signature d’un accord de coexistence offre donc une protection toute relative de la marque objet du contrat[1].

Il convient dès lors d’être particulièrement vigilent dans la rédaction de tels accords et éventuellement d’assortir la violation de ces derniers d’une clause d’indemnisation contraignante qui découragera le cocontractant de passer outre les termes de la convention.

[1] D’autant plus que, comme l’a déclaré la Cour de Justice de L’Union Européenne (CJUE, 3e ch., 19 sept. 2013, aff. C-661/11), nul n’est tenu de demeurer dans la coexistence.

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