La preuve de l’acquisition du caractère distinctif d’une marque par l’usage

La preuve de l’acquisition du caractère distinctif d’une marque par l’usage

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Le signe d’une marque doit revêtir un caractère distinctif pour être protégeable. Ce principe, plus facilement applicable en présence d’une marque figurative ou semi-figurative[1], peut poser problème pour les titulaires de marques verbales (particulièrement un simple texte). Comment prouver le caractère distinctif d’une marque lorsque celle-ci vient justement décrire l’activité exercée par son titulaire ? C’est cette problématique qui a notamment été adressée par le tribunal de grande instance de Paris dans une décision du 13 novembre 2015 quant à la marque verbale « vente-privee.com ».

Dans cette affaire intentée par la société Vente-privée.com, des exploitants exerçant une activité relativement similaire à celle du demandeur, sous un signe tout aussi similaire, ont tenté d’obtenir reconventionnellement la nullité de certaines marques de la société, y compris la marque verbale « vente-privee.com », pour, entre autres, défaut de caractère distinctif.

Le tribunal a clairement rejeté ces demandes en usant d’une exception au principe susmentionné, notamment prévue en droit communautaire, selon laquelle une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, ne pourra être déclarée nulle pour défaut de caractère distinctif « si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif”[2]. Alors que les Etats membres peuvent prévoir que cette exception s’applique aussi « lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement », la France n’a pas adopté de telle dérogation.

Reprenant des critères posés par la Cour de Justice de l’Union Européenne pour apprécier ‘l’acquisition du caractère distinctif par l’usage’, les juges ont ainsi analysé les pièces produites par la société Vente-privée.com afin de démontrer l’usage intensif de la marque avant son dépôt.

C’est notamment sur la base d’une attestation de chiffre d’affaires établie par un expert-comptable (permettant de constater son importante évolution), de divers articles de presse et d’articles en ligne identifiant le classement du site, d’un baromètre d’audience du e-commerce et de sondages auprès du public que le tribunal a reconnu le caractère distinctif de la marque verbale par usage :

« Ces éléments, qui témoignent de l’importance croissante du chiffre d’affaires de la société Vente-privee.com, de sa position sur le marché des ventes événementielles, de sa connaissance par un large public et de l’importance de ses investissements publicitaires, permettent de considérer qu’à la date du dépôt, et même s’il a toujours été systématiquement associé à son élément figuratif et à la couleur rose qui sont omniprésents sur son site qui représente son seul accès au public, le signe verbal « vente-privee.com » permettait à une fraction significative du public concerné -soit le consommateur s’intéressant aux services de vente en ligne- d’identifier l’origine des services distribués (….)”.

Bien que les critères retenus par le tribunal soient essentiellement économiques (évolution du chiffre d’affaires, position sur le marché, importance des investissements pour la promotion, etc.) et laissés à la libre appréciation des juges du fond, cette jurisprudence confirme la possibilité pour les titulaires de marques de prouver le caractère distinctif de celles-ci grâce à l’usage intensif qu’ils en auront fait avant dépôt.

 

[1] Alors qu’une marque figurative est généralement composée d’un élément figuratif, graphique, une marque semi-figurative associe un élément figuratif à un élément verbal.

[2] Article 3.3. Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des états membres sur les marques

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